lundi 5 novembre 2012

Mixed-media assemblages by Marita Green (1971), Ceramic, retro cake tins 2012


 




Marita Green’s work asks us to ponder the  idea of mother as receptacle and protection but also looks at the reality of birth as an actual physical end  as the infant grapples with introduction to the world outside the womb.
She uses memory and infancy as major signifiers in her work.  The biscuit tin and her ceramic baby dolls are the signifiers that work together and in this odd relationship, the tin takes on a very catholic tabernacle kind of role, like a womb: it is considered a sacred and honoured space which can produce life. With life come exposure and vulnerability when no longer contained within the body of the mother.
(text courtesy Waikato Museum)

 http://maritagreen.com/2012/11/01/mother-waikato-museum-and-art-gallery/

Maria Rubinke




Danish-born Maria Rubinke's (1985) small porcelain figures are reminiscent of the illogical compositions of surrealism, transforming the character of what are traditionally charming and passive objects into expressions of more taboo feelings that oscillate between desire and sadism.







dimanche 4 novembre 2012

Peter McFarlane

Artist:''Peter McFarlane ''has spent his life turning found objects, computer waste and other discarded materials into sculptures, installations, and even the backdrops of paintings. Of his work McFarlane says:

To me, waste is just lack of imagination. This belief carries beyond the boundaries of my art production and permeates most aspects of my life. Most of my home and studio, and much of everything in them, is recycled. I’ve always had an epic imagination along with a driving desire to make things. Thus, used objects have pared my options down to a workable, manageable level. No object is beyond artistic merit, meaning and metaphor. So why throw it out? The materials of my work are connected intrinsically to my ideas, be they tailored beyond recognition or left as found. Each piece I make resurrects an object as an idea specific to the material and the meaning inherent in its use. The history of the object — from the manufacture to the dumpster — embellishes its contexts and the possibilities I have to manipulate them. I have often made a connection with the objects that I’ve used in my everyday life or work experience: that which I know.
Artiste:'' Peter McFarlane '' a passé sa vie à transformer des objets trouvés, ordinateur des déchets et autres matériaux mis au rebut en sculptures, installations et même les décors de peintures. McFarlane, dit de son travail :

Pour moi, les déchets sont juste manque d'imagination. Cette croyance transporte au-delà des frontières de ma production artistique et omniprésente dans la plupart des aspects de ma vie. La plupart de ma maison et l'atelier et beaucoup d'eux, tout est recyclé. J'ai toujours eu une imagination épique avec un désir de conduite pour tout faire. Ainsi, les objets utilisés ont pared mes options jusqu'à un niveau fonctionnel et facile à gérer. Aucun objet n'est au-delà de la métaphore, sens et mérite artistique. Alors pourquoi jeter ? Les matériaux de mon travail sont intrinsèquement reliés à mes idées, qu'ils soient sur mesure au-delà de la reconnaissance ou laissé comme trouvé. Chaque pièce que je fais ressuscite un objet comme une idée spécifique pour le matériel et le sens inhérent à son utilisation. L'histoire de l'objet — provenant de la fabrication à la benne à ordures — embellit les contextes et les possibilités que j'ai à les manipuler. J'ai souvent fait un lien avec les objets que j'ai utilisé dans ma vie quotidienne ou expérience de travail : ce que je sais. (Traduit par Bing







Des animaux métalliques figés sur des circuits imprimés comme des fossiles modernes, des éclairs et des paysages immortalisés sur carte mère ? Une série de sculptures de l’artiste Peter McFarlane, ancien informaticien, qui recycle les déchets informatiques selon son précepte : “Les déchets existent à cause d’un manque d’imagination”.
http://www.ufunk.net/artistes/fossils-circuit-board/

mardi 30 octobre 2012

L'objet.

"Littré donne entre autres acceptions de l'objet celle-ci: Tout ce qui est la cause, le sujet d'une passion. Figuré et par excellence: l'objet aimé. " Jean Baudrillard, Le système des objets.

 

"La collection raconte l'histoire sentimentale d'un objet" D. Spoérri.

 

"Parcours mental, jalonné de vestiges (photos, objets, fragments de textes) que nous nous efforçons de sauver de l'indifférence et de l'usure du quotidien" C. Boltanski.

 

"Je veux que les spectateurs ne découvrent pas mais reconnaissent" C. Boltanski

 

"Ces objets sont des objets tels qu'ils sont sentis, non tels qu'ils sont" Claus Oldenburg.

 

"D'autres objets sont liés à des pratiques quotidiennes ou périodiques, à des manies peut-être superstitieuses ou ne se rattachent à aucune fonction particulière, mais peut-être des souvenirs, ou des plaisirs tactiles ou visuels, ou un seul goût du bibelot" Georges Perec.

 

"Les objets gardent la trace physique de ceux qui les ont vus ou touchés" Alain Lercher, Les fantômes d'Oradour.

 

"Je m'intéresse aux sécrétions humaines et l'objet est, par excellence, un produit de l'homme" Arman.

 

"Les Prisunics sont de véritables musées d'art moderne"Martial Raysse.

 

"Si nous pensons à l'archétype de l'objet, nous pensons généralement à une potiche, une cruche ou un bol (...) A l'évidence de sa fonction, à sa littéralité, l'objet le plus commun, un peu à la manière d'un fossile, offre pourtant au regardeur une étrange capacité de résistance: une consistance opaque, une contenance poétique, une inquiétante étrangeté, une béance muette. Ce pouvoir de fascination qu'exerce l'objet est archaïque, anthropologique" Jean-Pierre Greff.

lundi 15 octobre 2012

Annette Messager

"Je suis la colporteuse de chimères, la colporteuse de rêves simiesques, des délires arachnéens. Je suis la truqueuse, la truqueuse des photos repeintes, des agrandissements d'images, des lentilles déformantes. Je suis la menteuse, la messagère des fausses prémonitions, des amours douteux, des souvenirs suspects, la dompteuse des araignées de papier."

Annette Messager, Mes petites effigies, 1988. Détail

Entretien avec Annette Messager

Françoise-Claire Prodhon : Comment as-tu commencé à travailler ?

Annette Messager : J'étais étudiante dans une école d'art et j'essayais de peindre; quelquefois, je réussissais à faire de beaux tableaux et l'on me disait : «C'est beau, c'est puissant, c'est viril...». J'étais contente, mais au bout d'un moment, j'ai commencé à trouver étrange que l'on me parle toujours de puissance, de force ou de virilité. C'était tout de même dans les années 70 et il y avait un paradoxe entre ce qui se passait au dehors et le discours profondément machiste tenu dans les écoles d'art. À cette époque, il n'y avait quasiment pas de femmes artistes en France, et j'ai pensé que le seul    moyen de faire un travail intéressant résidait dans le fait de rompre avec ce discours et de sortir de la norme et des goûts établis. J'ai voulu alors parler de choses beaucoup plus quotidiennes...

F.-C.P. : En fait, tu voulais décliner des choses sur un mode mineur pour en finir avec l'idée de l'art que l'on inculquait dans les écoles...

A.M. : C'était mon intention. J'ai senti à ce moment-là qu'étant une femme, j'étais déjà a priori une artiste dévaluée, donc autant jouer sur la dévaluation complète! C'est peut-être pour cette raison que je me suis intéressée à des formes d'art qui avaient une image un peu secondaire par rapport au «grand» art, que ce soit l'art brut, l'art religieux, ou l'art des fous. J'ai eu envie d'inventer une femme et de parler de sa vie quotidienne, de tous ces petits détails auxquels on ne prête généralement pas attention et cela a débouché sur les «albums collections».

F.-C.P. : De quoi s'agissait-il ?

A.M. : De toute une suite d'albums où il était question d'une fausse femme, d'une fausse vie comme vue à travers les magazines féminins. Toutes ces choses dérisoires comme consulter des fiches cuisine, regarder les braguettes des messieurs, broder un petit proverbe, ou faire 200 fois sa signature pour trouver la plus jolie... Toutes ces choses m'ont attirée pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure.

F.-C.P. : Je me souviens que tu as écrit dans un catalogue que lorsque tu étais petite, tu voulais devenir danseuse, religieuse ou peintre; c'est vrai ?

A.M. : Oui, c'était mes trois souhaits. Enfin, religieuse et danseuse, je crois que c'était beaucoup pour le costume! (rires)

F.-C.P. : Oui, mais il n'empêche que ces trois activités sont finalement assez proches; ce sont de véritables sacerdoces. Tu as besoin de t'imposer des règles strictes, de te sentir hors du monde pour travailler ?

A.M. : Oui, cela m'est nécessaire. Je ne ferais rien sans cela, ou bien le quotidien serait très triste. Mon père faisait de la peinture en amateur; c'était quelqu'un de très nerveux et agité. Les seuls moments où je trouvais qu'il avait l'air heureux, un peu béat, c'est lorsqu'il peignait ses petits tableaux: là il me semblait très calme, hors du monde et en état de grâce... Je crois que tu as raison de rapprocher danseuse, religieuse et peintre; elles sont toutes trois hors du monde réel. J'ai besoin d'être un peu retirée; j'ai souvent pensé aussi que si j'étais en prison avec des crayons et de quoi travailler, je serais très bien! (rires)

F.-C.P. : L'atelier est de toute façon un monde très clos!

A.M. : C'est ce qui est dur aussi, car il faut s'enfermer pour travailler, décider de ne pas répondre au téléphone...

F.-C.P. : Revenons-en aux albums dont nous parlions...

A.M. : J'habitais un appartement à Paris où il y avait deux pièces, la chambre, et une seconde pièce qui me servait d'atelier. Dans l'atelier, je confectionnais des petits oiseaux, des sortes de moineaux que je recouvrais de plumes et que j'appelais mes «pensionnaires». C'était un peu comme des enfants: certains allaient se promener, d'autres étaient punis ou alors, ils allaient faire la sieste... Il y avait tout un rituel. Dans la chambre, je faisais des découpages de magazines, j'y découpais ce que l'on disait sur les femmes, les hommes, les enfants, et je traitais ces coupures de journaux comme s'il s'agissait de mon propre album de photos. Un jour, j'ai montré les pensionnaires et les albums à un ami qui a trouvé ridicules ces choses si différentes; quand il est parti, j'étais d'abord troublée, puis j'ai  réfléchi    et me suis dit: « Il n'a pas compris; dans un sens c'est bien, car cela prouve que l'on n'a pas une ligne droite, une personnalité unique...». J'ai décidé de m'appeler «Annette Messager, collectionneuse» qui collectionne ses albums; «Annette Messager, artiste» qui fait ses oiseaux, et de me donner à chaque nouveau travail un nom différent, car je voulais pouvoir tout manipuler : faire de la photo, du dessin, des petits objets, etc. Cela me semblait très féminin le fait de ne pas avoir une pensée ou une activité linéaire, de suivre le sillon d'une journée, ces moments différents du quotidien qui démultiplient le rôle, la fonction d'une femme.

F.-C.P. : Je crois que ces albums étaient présentés fermés ?

 A.M. : Disons qu'ils n'étaient qu'à moitié ouverts, ne serait-ce que parce que j'étais excessivement timide. J'avais peur de faire venir les gens chez moi et de leur montrer mon travail. Alors, je faisais des envois, j'envoyais des petits messages très simples et les gens répondaient ou ne répondaient pas. J'aimais l'idée de toucher les gens chez eux. Dans ces albums, il y avait une somme de travail énorme, mais on ne pouvait pas s'en rendre compte. On ne voyait presque rien car l'album était présenté sous vitrine...

F.-C.P. : La présentation sous vitrine me fait penser à une chose que tu aimes bien, soit les musées d'ethnographie ou d'arts et traditions populaires...

A.M. : Oui. Mais ce qui me plaisait avant tout, c'était l'idée du journal intime. Dans son journal, la jeune fille écrit toute sa vie, mais c'est une chose très fermée, secrète et qui de plus ne prend pas de place! Lorsque j'étais petite, je faisais mon journal, je dessinais, je découpais des petits papiers.

F.-C.P. : L'intime, le secret, ce que l'on ne montre pas du tout, ou du moins pas entièrement, nous ramène encore à l'objet présenté sous vitrine. Il y a dans ton travail ce rapport à la frustration, à l'œuvre que l'on ne peut pas réellement approcher...

A.M. : J'aime que le spectateur qui regarde mes œuvres se sente un peu voyeur, pris en faute, en flagrant délit de regarder. Dans l'exposition des Trophées, ]'avais envie que le spectateur soit mis face à l'image de son propre corps, qu'il y découvre des choses grotesques ou ridicules qui le renvoient à lui-même et se sente un peu honteux de regarder. Dans les albums, les gens lisaient un journal qui ne leur était pas adressé et qu'ils ne pouvaient même pas vraiment lire. Avec la frustration de l'objet enfermé dans la vitrine, je crois que j'ai toujours eu envie que le spectateur soit ridicule en regardant... (rires)

F.-C.P. : Tu nous condamnes à regarder par le trou de la serrure ? (rires)

A.M. : Oui, c'est ça, ce serait mon grand souhait. Ce que j'aime par exemple au cinéma, c'est le fait d'être dans le noir. On voit le film pour soi-même, on s'identifie aux personnages, on a peur, on pleure, on rit; c'est cela qui n'existe pas dans les musées... On peut aussi avoir ce rapport égoïste et privilégié avec un livre, même un livre d'art. Je préfère regarder des reproductions dans un livre d'art car j'ai l'impression que l'œuvre est pour moi seule, que je la découvre. Dans les albums et les dossiers dont nous parlions, tout était faux, cela pouvait être la vie de n'importe qui... Seulement si l'on montre les choses qui nous touchent le plus, on s'aperçoit très vite qu'elles sont universelles.

F.-C.P. : Tu ne m as pas dit quelles étaient les réactions des gens face à ton travail ?

A.M. : Parfois très violentes. Certains de ces albums ne passaient jamais et plus curieusement, auprès de gens très jeunes : les enfants aux yeux rayés, par exemple (c'était une série de photos d'enfants dont j'avais rayé le regard avec un stylo à bille) ou les braguettes.

F.-C.P. : Les braguettes ? (rires)

A.M. : Cela se passait dans la rue; je photographiais les braguettes des hommes au téléobjectif, je m'installais à une terrasse de café et je faisais semblant de photographier autre chose... (rires). Cela m'a donné un album. J'essayais d'agrandir ces photos mais tout se décomposait, devenait flou et pour finir, c'était ridicule.

F.-C.P. : il me semble que c'est une constante dans ton travail, cet intérêt pour le détail isolé qui devient étrange ou totalement grotesque et en même temps tout à fait quotidien...

A.M. : Oui, cela m'a finalement toujours intéressée sans vraiment m'en rendre compte. Dès que l'on grossit les choses, elles paraissent ridicules. J'aime l'idée du fragment du détail, comme les gros plans dans les romans-photos.

F.-C.P. : Aussi parce que tu aimes bien les choses un peu étranges, inquiétantes ou insolites. Tu aimes Blake ou Redon en peinture, le cinéma de Méliès...

A.M. : Oui, mais aussi Walt Disney ou Hitchcock! Je mélange toujours tout; j'ai envie de dire que  ma tête est un peu comme un grenier, j'aime des choses très différentes, j'aime dire que je suis une sorcière qui fait son bouillon de révélateur, agrandit et mélange les parties du corps.

F.-C.P. :Tu aimais te faire peur quand tu étais petite ?

A.M. : Oh oui, même encore maintenant! J'aime bien avoir peur au cinéma et puis, j'aime bien faire peur aux autres. J'ai facilement peur et je cultive ma peur.

F.-C.P. : Mais il y aussi une sorte d'exorcisme dans ton travail; je pense par exemple aux Chimères où tu faisais des sortes d'animaux ou d' êtres monstrueux. C'est tout de même une peur que tu tentes de conjurer...

A.M. : Je crois qu'être artiste, c'est aussi une sorte de conjuration; on grossit, on montre les choses dont on a peur; c'est une façon de les épingler pour s'en débarrasser. La peur du temps qui passe par exemple dans «Annette Messager collectionneuse»; j'aimais l'idée du temps qui embellit et magnifie une collection; et puis, il y avait également le côté un peu vicieux... collectionneuse d'hommes! (rires)

F.-C.P. : C'est toujours le meilleur et le pire chez toi! (rires) L'angélisme (tu voulais devenir religieuse) et le côté démoniaque lorsque tu dis «mutiler» tes modèles!

A.M. : Je les mutile parce que je les aime. C'est une manière de les toucher, de mes les approprier un peu.

F.-C.P. : Oui, mais tu dis «je les transforme en crapauds»... (rires). C'est quand même aussi pour t'amuser non ?

A.M. : Si! (rires) C'est le principe des contes de fées. Les enfants ont ce type de comportement avec leurs jouets : ils aiment leur nounours, mais ils lui déchirent les oreilles! J'aime l'instant de travail avec le modèle; c'est le seul moment où je peux faire rentrer quelqu'un à l'atelier et communiquer un peu. C'est un instant privilégié qui réserve des surprises. L'oreille, la main, le pied ne sont jamais franchement ce que j'avais souhaité; cela me dépasse et c'est formidable.

F.-C.P. : Il y a toujours dans ton travail une relation à la métamorphose, à la magie...

A.M. : Si l'on accepte de dire que l'on fait de l'art, on accepte d'une certaine manière l'idée que l'on est un peu magicien... Magicien de boules de gommes! (rires) Il s'agit quand même d'une opération de transformation du papier ou de la toile et si l'on n'y croit pas du tout, on ne peut pas continuer. Même si c'est ridicule, il faut se mettre dans la position de la magicienne, de la sorcière, pour métamorphoser les éléments. J'aime l'art religieux à cause de cela : les ex-voto sont en soi dérisoires, mais on leur attribue une fonction magique; c'est l'idée du miracle, quelque chose de finalement assez païen.

F.-C.P. :Comment utilises-tu les choses que tu regardes ou ce que tu aimes plus particulièrement comme l'art de certains pays ou les œuvres de certains artistes dont le travail te touche ?

A.M. : De manière générale, lorsque quelque chose m'attire c'est plutôt pour sa forme et non pour son contenu. Ce que j'aime, j'en fais ma pâture... On m'a beaucoup parlé de chiromancie avec la série des trophées, mais moi, je n'y voyais que la forme... J'ai une passion pour l'art Tantrique (sic), les mandalas tibétains, mais je n'ai pas pour autant envie de comprendre. Je pense qu'il en va de même pour beaucoup d'autres artistes. Souvent, il s'agit avant tout d'emprunter des formes.

F.-C.P. : Dans les œuvres, comme dans nombre d'objets qui t'entourent ou de choses que tu cites, i l y a souvent une part de fascination pour le sacré et ce qu il engendre de mysticisme...

A.M. : Cela m'a toujours attirée, certainement parce qu'enfant, c'était la seule chose que je voyais. J'étais très catholique, j'allais à l'église et les seules peintures, le seul art que je connaissais, c'était les tableaux représentant la Vierge, les vitraux, mon livre de catéchisme, les images pieuses très kitsch; j'adorais ça!

F.-C.P. : On a souvent tendance à dire de ton travail qu'il est un peu morbide. Est-ce que tu le vois comme ça?

A.M. : Il est certain que le corps revient constamment dans mon travail, mais c'est la seule chose que nous possédons toute la vie durant et il faut faire avec. Je suis toujours surprise de constater à quel point les gens peuvent trouver ce que je fais morbide, alors qu'en fait, je joue sur deux plans : ce côté tragique, un peu morbide ou dur, et les petites images légères ou drôles. Cela correspond à une réalité de la vie à la fois tragique et comique. Curieusement, j'ai remarqué qu'entre les ex- voto qui représentent les fragments d'un corps «miraculé», mais qui a été en souffrance, et les gros plans amoureux, on parlait le même langage; c'est presque la même vision du corps en fragments grossis, isolés... Comme les fragments d'un discours amoureux.

Entrevue réalisée par Françoise-Claire Prodhon, in http://id.erudit.org/iderudit/36362ac


ANNETTE MESSAGER. Mes trophées (1986-1988)

sur les ready-made

Marcel Duchamp, dans documents dada http://dadasurr.blogspot.fr/2010/02/blog-post_23.html

Marcel DUCHAMP. Why not sneeze Rrose Sélavy ? New York, juin 1921, 12.4 X 22.2 X 16.2. Ready-made assisté : cage à oiseaux, cubes de marbre, thermomètre et os de seiche National Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art
 


"En 1913 j'eus l'heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la regarder tourner.








Quelques mois plus tard j'ai acheté une reproduction bon marché d'un paysage de soir d'hiver, que j'appelai « Pharmacie » après y avoir ajouté deux petites touches, l'une rouge et l'autre jaune, sur l'horizon.








À New York en 1915 j'achetai dans une quincaillerie une pelle à neige sur laquelle j'écrivis « En prévision du bras cassé » (In advance of the broken arm).








C'est vers cette époque que le mot « ready-made » me vint à l'esprit pour désigner cette forme de manifestation.








Il est un point que je veux établir très clairement, c'est que le choix de ces ready-mades ne me fut jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction d'indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais goût… en fait une anesthésie complète.








Une caractéristique importante : la courte phrase qu'à l'occasion j'inscrivais sur le ready-made.




Cette phrase, au lieu de décrire l'objet comme l'aurait fait un titre, était destinée à emporter l'esprit du spectateur vers d'autres régions plus verbales.








Quelques fois j'ajoutais un détail graphique de présentation : j'appelais cela pour satisfaire mon penchant pour les allitérations, « un ready-made aidé » (ready-made aided).








Une autre fois, voulant souligner l'antinomie fondamentale qui existe entre l'art et les ready-mades, j'imaginais un « ready-made réciproque » (reciprocal ready-made) : se servir d'un Rembrandt comme table à repasser !








Très tôt je me rendis compte du danger qu'il pouvait y avoir à resservir sans discrimination cette forme d'expression et je décidai de limiter la production des ready-mades à un petit nombre chaque année. Je m'avisai à cette époque que, pour le spectateur plus encore que pour l'artiste, l'art est une drogue à accoutumance et je voulais protéger mes ready-mades contre une contamination de ce genre.








Un autre aspect du ready-made est qu'il n'a rien d'unique… La réplique d'un ready-made transmet le même message ; en fait presque tous les ready-mades existant aujourd'hui ne sont pas des originaux au sens reçu du terme.








Une dernière remarque pour conclure ce discours d'égomaniaque :








Comme les tubes de peintures utilisés par l'artiste sont des produits manufacturés et tout faits, nous devons conclure que toutes les toiles du monde sont des ready-mades aidés et des travaux d'assemblage."


Marcel DUCHAMP, « À propos des Ready-mades », discours au Musée d'Art moderne de New York, 1961, dans le cadre de l'exposition Art of assemblage. (Reproduit dans Duchamp du signe, Paris, Flammarion, 1994, pp. 191-192)









"Ce Néo-Dada qui se nomme maintenant nouveau Réalisme, Pop Art, Assemblage, etc., est une distraction à bon marché qui vit de ce que DADA a fait. Lorsque j'ai découvert les reay-made, j'espérais décourager le carnaval d'esthétisme. Mais les néo-dadaïstes utilisent les ready-made pour leur découvrir une valeur esthétique. Je leur ai jeté le porte-bouteilles et l'urinoir à la tête comme une provocation et voilà qu'ils en admirent la beauté esthétique."

Marcel DUCHAMP, « Lettre à Hans RICHTER », le 10 novembre 1962



"Avant de disparaître totalement du monde, la beauté existera encore quelques instants, mais par erreur. La beauté par erreur, c’est le dernier stade de l’histoire de la beauté." 


Milan Kundera,
l'insoutenable légèreté de l'être 1982